Kadri Gürsel est spécialiste de politique étrangère au quotidien libéral turc Milliyet.
Que veut le Premier ministre turc islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan ?
Engagé à fond dans le soutien à la rébellion syrienne, le gouvernement, qui est dans une impasse, espère que des frappes prolongées, comme lors de la guerre du Kosovo, pourraient porter à un renversement du régime. La politique menée par Ankara depuis le début de la révolte contre Bachar al-Assad - traité jusque-là comme un partenaire par Recep Tayyip Erdogan - a été un fiasco, rendant la situation toujours plus chaotique sur le terrain, par le soutien fourni aux composantes islamistes de la rébellion. La Turquie est devenue un acteur direct de la crise, adoptant des positions sectaires - pro-sunnites et pro-Frères musulmans - au risque d'importer de ce côté d'une frontière de 900 km les conflits entre alévis [secte moderniste issue du chiisme, pesant quelque 15% de la population, ndlr] et sunnites, entre laïcs et islamistes, entre Turcs et Kurdes.
Que pense la population ?
Les sondages depuis le début du conflit montrent tous l’opposition d’une écrasante majorité des Turcs - entre 70% et 80% selon les enquêtes et les moments - contre une intervention en Syrie, même dans un cadre international, car ils y voient un risque sérieux de déstabilisation du pays. Pour la grande majorité de l’opinion et pour l’opposition, notamment de gauche, un tel engagement est perçu comme la stratégie aventuriste d’un pouvoir islamiste cherchant à installer ses alliés à Damas plus qu’à défendre les intérêts de la natio