Abou Jalal, 21 ans, semble perdu. Assis sur un bout de carton posé à même le trottoir, il observe les taxis jaunes qui entrent et sortent de la gare routière de Kilis, dans le sud de la Turquie. Le jeune Syrien en tongs et chemisette n'en hèle aucun, il se contente de les regarder, l'air renfrogné. «Tout est si cher, ici. Comment je vais m'en sortir ?» se demande-t-il. La veille, Abou Jalal a quitté Alep, la grande ville du nord de la Syrie où il vivait avec sa femme et ses trois enfants. Il n'a pas fui les bombardements du régime ou d'éventuelles frappes américaines. Il n'a pas peur non plus des snipers ou des gangs criminels qui sillonnent sa ville. «Depuis le temps, nous sommes habitués à la guerre. Et nous avons eu de la chance, notre maison est intacte. Non, le véritable problème est l'argent. Avant la révolution, j'étais ouvrier dans une usine de sous-vêtements. Après, j'ai rejoint la rébellion, mais ils ne pouvaient pas nous payer. Au bout de sept mois, j'ai quitté la lutte armée et j'ai cherché du travail. Mais je n'ai rien trouvé, aucune usine ne fonctionne. Je n'ai pas eu le choix, j'ai dû venir en Turquie.» Il semble déjà le regretter. Il ne peut pas se payer le taxi pour aller à Izmir, la grande ville de l'ouest, et sait qu'il ne trouvera pas de travail à Kilis. «Je ne peux plus compter que sur la chance, dit-il. Peut-être que je vais rencontrer un ancien voisin ou un ami qui m'aidera.» Sinon, Abou Jalal repartira à Alep.
Envoyé spécial à Kilis (Turquie)
Syrie : des réfugiés sans refuge
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Des réfugiés syriens, près de la frontière turque, le 5 septembre. (Photo Umit Bektas. Reuters)
par Luc Mathieu
publié le 12 septembre 2013 à 21h26
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