Avec ses petites lunettes rondes, son allure de technocrate et son apparent manque de charisme, Enrico Letta semblait il y a encore quelques mois destiné aux seconds rôles politiques, voire aux ministères techniques. A son arrivée au sommet du pouvoir italien au printemps, à la tête d'un gouvernement de large union témoignant de l'impasse parlementaire après des législatives qui n'avaient désigné aucun vainqueur, ils étaient peu nombreux à croire en la longévité de ce catholique de gauche à la présidence du Conseil. Mais à l'occasion de la crise provoquée par Silvio Berlusconi (lire ci-contre), le plus jeune Premier ministre européen - après le Britannique David Cameron - a fait la preuve qu'il était un subtil manœuvrier, doté d'audace, de courage et de franc-parler. En clair, qu'il avait l'étoffe d'un homme d'Etat.
Chantage. Alors qu'au cours des dix derniers jours, Berlusconi a cherché à le mettre dans les cordes et à faire tomber son gouvernement, pour éviter, dans une tentative extrême, d'être déchu de son mandat de sénateur à la suite de sa condamnation pour fraude fiscale, Enrico Letta n'a pas plié. Réagissant à l'initiative des parlementaires du Parti du peuple de la liberté (la formation de Berlusconi) de signer une lettre de démission en cas d'exclusion de leur leader du Parlement, le président du Conseil, qui se trouvait à l'Assemblée générale de l'ONU, a très durement réagi, parlant «d'une humiliation pour le pays»