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Tous poilus mais pas tous égaux

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L’historien Nicolas Mariot souligne les disparités sociales dans les tranchées et la solitude des lettrés
Dans les Vosges en avril 1915. Photographie de Frantz Adam extraite de son livre, «Ce que j'ai vu de la Grande Guerre». (Photo Frantz Adam. AFP)
publié le 2 octobre 2013 à 18h06

Ils ont pataugé dans la même boue, partagé les mêmes «cagnas» (abris), vécu la même horreur des tranchées. Engagés volontaires ou mobilisés, nombre d'intellectuels ont alors découvert leur peuple. «Là où on se bat, là où on écope, et là où on meurt, le peuple y est et seule une infime minorité de bourgeois qui font honnêtement leur devoir ou qui sont trop candides pour se défiler», constatait début 1915 Jules Isaac, coauteur des célèbres manuels d'histoire. «Le front est le lieu d'une rencontre extraordinaire au sens plein du terme avec les gens du peuple», souligne Nicolas Mariot, dans un livre dense qui tente «de rendre son épaisseur sociale à l'armée française de la Grande Guerre». Et pourfend nombre d'idées reçues sur les poilus unis par-delà les différences sociales et partageant une même ferveur patriotique.

Paille. Nicolas Mariot se base sur les écrits de 42 intellectuels, écrivains, professeurs, jeunes normaliens, artistes, avocats - dont certains sont célèbres ou le deviendront comme Guillaume Apollinaire, Elie Faure, Maurice Genevoix, Marc Bloch, Léon Werth, Fernand Léger etc. Dans une société où à peine 2% d'une classe d'âge arrive au bac, les lettrés sont noyés dans la masse. Les deux tiers d'entre eux passeront assez rapidement sous-officiers et officiers, à la différence de leurs compagnons de tranchée. «Les poilus auront de la paille, moi un lit», note sèchement un jeune sous-lieutenant à