Géographie et anarchisme sont historiquement reliés par une histoire peu connue mais essentielle qui remonte à la seconde moitié du XIXe siècle et implique des géographes comme Elisée Reclus et Pierre Kropotkine qui furent également des militants et des penseurs anarchistes de premier plan. Avec d'autres géographes anarchistes, comme Léon Metchnikoff, Charles Perron ou Mikhail Dragomanov, ils ont participé à la constitution du mouvement anarchiste au cours des années 1880 en Europe, à l'issue de la décomposition de la première Association internationale des travailleurs.
Cette convergence n’est pas une coïncidence car la théorie et la pratique anarchistes offrent des points communs avec la géographie, sans que l’une ne soit inféodée à l’autre. Ces géographes ont vu dans l’espace et l’aspiration communaliste ou fédéraliste des leviers pour l’émancipation tant individuelle que collective. Même si les principaux théoriciens anarchistes de la génération précédente comme Pierre-Joseph Proudhon ou Michel Bakounine se sont davantage intéressés à la sociologie ou à la politologie, une grande partie de leur œuvre peut être analysée sous un angle géopolitique.
Alors que Marx et les marxistes sont attirés par l’histoire et donc par le temps, les anarchistes sont sensibles à l’espace et donc aux milieux. La liberté a besoin d’air. L’histoire semble plus manipulable, plus imposante, y compris avec son «devoir de mémoire». L’espace peut être cerné, mais il y a toujours des êtres