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Billet

Lampedusa, tombeau d'une illusion

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Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement l’Afrique et l’Italie qui sont en deuil, c’est toute l’Europe.
Un immigrant dans un centre de réfugiés pendant la visite du pape, à Lampedusa, le 8 juillet 2013. (Photo Alessandro Bianchi. Reuters)
publié le 4 octobre 2013 à 10h05

Un sentiment d'horreur. Une «honte» pour reprendre les termes du pape François. La tragédie de Lampedusa, plusieurs centaines de migrants déjà morts ou encore portés disparus en mer, reste à ce jour la pire jamais connue par ces hommes, ces femmes, ces enfants prêts à tout pour rejoindre l'Europe. Y compris à mourir.

Nous ne connaîtrons jamais leurs visages, nous n’entendrons pas leurs mots. Nous ne pouvons qu’imaginer leur rêve. Tombeau d’une illusion, celle d’une vie meilleure dans un espace géographique qu’ils savent plus prospère et où ils croient pouvoir trouver leur place, saisir eux aussi la chance que la vie normalement offre à chacun.

Cette aspiration, bouleversante, tellement humaine, Ariane Mnouchkine avait su la faire percevoir il y a une dizaine d'années, avec autant de force que de pudeur, dans le Dernier Caravansérail. Hélène Cixous, coauteure de la pièce, écrivait alors: «Partout dans le monde quelqu'un soupire, cherche à fuir et se souvient ou pressent qu'un autre semblable à l'autre bout de la planète soupire dans une autre langue la même nostalgie humaine : partir! partir! échapper, traverser, passer fleuves mers montagnes, escorté talonné des ronflements des camions des raclements des trains des mugissements des vents des sanglots des agonies des criaillements des mouettes.» Le théâtre pour montrer ce que les images de télévision, les photos des cadavres alignés, les statistiques occultent, ce que les discours politiques manipulen