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Interview

Boualem Sansal «L’islamisme ne prospère que grâce à nos peurs»

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Boualem Sansal Ecrivain algérien
publié le 9 octobre 2013 à 19h06

Ces dernières années, Boualem Sansal a raccourci sa chevelure. Mais il porte toujours son catogan. Derrière une allure cool, l’écrivain algérien, auteur de l’admirable et baroque Serment des barbares, le roman incontournable des années de plomb de l’Algérie, a une détermination inébranlable. Il parle et crie contre le désastre des sociétés de l’autre rive de la Méditerranée. Depuis dix ans, il est devenu une des grandes voix de l’opposition, alertant sur les dangers de l’islamisme. Il publie aujourd’hui un essai, Gouverner au nom d’Allah (Gallimard).

Dans votre dernier livre, vous racontez que, dès l’indépendance de l’Algérie, dans votre pays, des prédicateurs sont arrivés de l’étranger. Dans quel but ?

Dans ces années-là, l’Algérie était une république populaire révolutionnaire, quasi communiste, en tout cas le Président et son équipe portaient tous la tenue Mao et bravaient l’impérialisme. Nous étions plutôt laïques en ce temps, nous vivions comme des soldats au service du développement. Puis, nous avons vu arriver ces prédicateurs en djellaba, missionnés par l’Arabie Saoudite et des mouvements comme les Frères musulmans. Ils venaient «sauver» l’Algérie, colonisée depuis un siècle et demi et imprégnée d’idées occidentales. Ils agissaient clandestinement, prêchaient dans les souks, les mosquées, les bains maures, les cités universitaires, dénonçant les valeurs et la dépravation occidentales, encourageant le retour à l’islam, à la tradition. La teneur très politique de leurs prêches captait l’attention des classes populaires, puis des élites, que le régime traitait avec mépris. De