«Je ne pensais pas remettre un jour les pieds à Lampedusa. Surtout pour venir y rechercher le corps de ma cousine.» Devant la bâtisse jaune et délavée de la caserne des carabiniers, au centre de l'île, Medhanie Tekie attend son tour au milieu d'un petit groupe de compatriotes érythréens. Un petit sac noir sur le dos, l'homme, âgé de 31 ans, a débarqué le matin même après un périple depuis Stockholm, via Milan et la Sicile. Le crépuscule est tombé depuis plusieurs heures sur la via Roma, l'artère principale de Lampedusa, mais il continue de patienter malgré l'écriteau sur la porte en bois : «On communique à tous les parents des victimes que la reconnaissance des cadavres sera faite tous les jours de 10 à 16 heures.»
A l'intérieur, la police scientifique italienne s'affaire sans relâche et jusque tard dans la nuit pour tenter d'identifier les 200 corps encore sans nom sur les 365 personnes (dont une vingtaine d'enfants) retrouvées mortes à la suite du terrible naufrage survenu le 3 octobre. «Meleta avait 24 ans. Il y a environ trois mois, elle avait quitté le Soudan où elle se trouvait pour rejoindre la Libye dans l'intention de s'embarquer. La dernière fois que je lui ai parlé par téléphone, début septembre, elle m'avait demandé : "Suède, Norvège ou Angleterre, quel est le meilleur pays pour vivre bien et en liberté ?"» lâche-t-il, inconsolé.
Sépulture. Comme Medhanie Tekie, des dizaines d'Erythréens accourus de t