«Aujourd'hui, après notre dernière plongée, un groupe de dauphins nous a accompagnés jusqu'à la rive, comme pour nous remercier.» Le responsable du groupe des sauveteurs esquisse un sourire à peine perceptible. Tenu au devoir de réserve, l'officier souhaite rester anonyme. Mais devant le poste de commandement des carabiniers de Lampedusa où il attend de repartir pour Rome, le gaillard, entouré de ses hommes, ne cache pas qu'après dix jours dans les entrailles de l'épave du navire naufragé le 3 octobre, il a besoin de parler : «On en a pourtant vu d'autres. Nous sommes habitués à faire face à des terroristes ou à des trafiquants. Mais jamais nous n'aurions pu imaginer ce que nous venons de vivre.»
«Magma». Arrivée sur la petite île quelques heures à peine après la tragédie, l'équipe spéciale de plongeurs sous-marins a eu la tâche de repérer le bateau à 47 mètres de profondeur, de récupérer les corps au fond de l'eau ainsi que les centaines de cadavres flottant en surface. «Nous sommes entraînés pour descendre à cette profondeur mais dans un premier temps, l'impact psychologique nous a paralysés. On a découvert un magma de chairs entassées. Le bateau s'est renversé et le fioul s'est répandu, bloquant les issues et recouvrant les corps. On n'arrivait pas à progresser. Comme dans le cercle d'un enfer de Dante. Des grappes de jeunes qui pouvaient avoir l'âge de nos fils. On n'arrivait pas à les séparer pour les remonter à