Jour et nuit, son téléphone ne cesse de sonner. Au bout du fil, des hommes et des femmes en grand danger. Ils sont sur des bateaux en perdition au beau milieu de la Méditerranée, coincés dans des camps de réfugiés en Ethiopie, ou encore retenus prisonniers par des trafiquants d’êtres humains au fin fond du Sinaï, en Egypte.
Pour tous ces Erythréens qui tentent désespérément de rallier l'Europe, parfois depuis des années, le numéro de téléphone de leur compatriote, Meron Estefanos, est l'une des dernières planches de salut. Installée dans la banlieue de Stockholm (Suède) depuis une vingtaine d'années, cette journaliste anime une émission hebdomadaire sur Radio Erena, une station financée par l'association française Reporters sans frontières et diffusées sur le Net et par satellite. «Les gens m'appellent parce que je donne mon numéro de téléphone à la fin du programme, explique Meron Estefanos. Mon émission permet aux familles d'avoir des nouvelles de leurs proches, mais aussi de donner des conseils pratiques, d'indiquer notamment les routes les moins dangereuses à tous ceux qui cherchent à fuir l'Erythrée.»
Et ils sont légion : entre 3 000 et 5 000 chaque mois, selon des estimations concordantes. Le 3 octobre, la majorité des victimes du naufrage qui s’est déroulé au large de Lampedusa étaient originaires de ce petit Etat de la Corne de l’Afrique. Le pays se vide littéralement de sa population, estimée à 6,3 millions d’habit