Voilà trois mois, le député Mohamed Brahmi était abattu de 14 balles en sortant de chez lui. Ce deuxième assassinat politique après celui de Chokri Belaïd, six mois plus tôt, a déclenché une profonde crise institutionnelle, encore loin d'être résolue, et chamboulé une transition déjà bien embourbée. «Ce qui est clair, c'est qu'il y a une volonté de ne pas savoir», estime Basma Khalfaoui, la veuve de Belaïd, alors que, comme chaque mercredi, les camarades des deux victimes se rassemblent devant le ministère de l'Intérieur pour réclamer la vérité sur les assassinats.
A ce jour, seuls les exécutants et quelques donneurs d’ordres ont été identifiés. Dans l’assassinat de Belaïd, 17 suspects ont vu leur nom révélé. Cinq ont été arrêtés, deux laissés en liberté, un a été tué la semaine dernière lors d’une vaste opération antiterroriste, neuf sont en fuite. Notamment le tireur présumé, Kamel Gadhgadhi, et le Franco-Tunisien Boubakeur el-Hakim, également impliqué dans l’assassinat de Brahmi : c’est lui qui aurait abattu le député, avec la même arme.
Les assassinats n’ont jamais été revendiqués. Le ministère de l’Intérieur incrimine Ansar al-Charia, classé «organisation terroriste» cet été. La mouvance jihadiste dément. Une partie de l’opposition et de l’opinion soupçonne Ennahda, ou tout au moins son aile dure, d’être plus ou moins impliqué, soit par son laxisme envers les jihadistes, soit en les couvrant. Les défaillances de l’enquête alimentent la suspicion et empoisonnent l