Du haut-parleur de la camionnette blanche s’échappent des notes vacillantes de
la Lettre à Elise
. Entre les immeubles criblés de balles, le marchand de glaces s’engouffre dans la rue de la Syrie. Longue, large et poussiéreuse comme dans un duel de western. Des hommes discutent sous le soleil de midi, un flingue discrètement planqué sous le tee-shirt. Des ados désœuvrés traînent sur les trottoirs où s’empilent de gros pneus, vestiges de la dernière bataille qui s’est achevée il y a à peine deux jours, faisant seize victimes. La plupart des palmiers, plantés par la municipalité de Tripoli, ont été décapités.
La camionnette longe la petite mosquée Khaled ben al-Walid et quitte la ligne de front entre le quartier sunnite de Bab al-Tebbaneh, et celui, alaouite de Jabal Mohsen. Ici, les armes ont commencé à crépiter en mai 2008, quand le Hezbollah a conquis certains quartiers sunnites de Beyrouth. L'onde de choc s'est vite propagée à Tripoli, bastion sunnite du nord du Liban. Il fallait répondre à «l'humiliation» en visant les alliés alaouites du «Parti de Dieu». Après une période de calme, les kalachnikovs se sont à nouveau fait entendre depuis le début de la révolte syrienne. En deux ans, onze rounds de combats et près de 120 morts et encore quatre ces derniers jours. Les combattants de Bab al-Tebbaneh, pro-rebelles, accusent les «voyous» alaouites de déclencher des combats sur les ordres de Damas pour déstabiliser Tripoli. En face, les miliciens de Jaba