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TRIBUNE

Lettre à Robert Badinter : la dérive postdémocratique de l’Europe

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Comment construire une Europe à l'image de ses peuples ? Coup de gueule d'un jeune étudiant.
par Alban Ketelbuters, Etudiant en littérature à l'université du Québec à Montréal
publié le 31 octobre 2013 à 16h41

Alors que vous receviez le titre de docteur honoris causa, vous avez récemment prononcé à l’université libre de Bruxelles un discours sur l’Europe.

Si le projet hugolien des Etats-Unis d’Europe a constitué une utopie universaliste, il est aujourd’hui instrumentalisé à des fins politiques par les ennemis de l’universalisme. Le 29 mai 2005 a officialisé cette dérive postdémocratique de l’Europe.

­Affirmer en 2013 que l'Europe «s'est construite démocratiquement par la libre adhésion des peuples», comme si cela correspondait à la réalité du temps présent, est une éclatante contrevérité.

Déni de démocratie

Les Français ont rejeté la Constitution européenne qui sacralisait l'union du fédéralisme et du néolibéralisme. Le traité de Lisbonne en conserve pourtant la substance. Vous dites avoir «mesuré ce que signifiait dans toute [son] horreur, le totalitarisme». Mais qu'est-ce qu'un déni de démocratie lorsqu'il recouvre des enjeux aussi fondamentaux ? Aurait-il fallu dissoudre le peuple, comme le préconisait Brecht ? Nos élites paient le prix de cette impunité par une adhésion croissante aux thèses nationalistes de l'extrême droite.

Vous évoquez un «désenchantement à l'égard de la construction européenne». Faible mot pour qualifier l'authentique rejet d'une Europe postdémocratique, technocratique et entachée par le néolibéralisme. Vous parlez de «pessimisme injustifié». La Banque centrale européenne (BCE) établie à Francfort est indépendante, déconnectée du suffrage popu