C’est une juge qui a lancé l’alerte, début 2012. Elle avançait avec minutie sur un cas de détournement de fonds publics, tristement banal en Colombie, quand, sans aucun motif, elle a été dessaisie de l’affaire au profit d’un magistrat plus clément. Le revirement brutal a intrigué ses collègues chargés de l’instruction et, après vingt mois d’infiltration, ils ont découvert mi-octobre un «gang de juges» qui œuvrait dans les bureaux de l’administration à Bogotá.
Contre des sommes pouvant aller jusqu'à 60 000 euros, l'organisation d'une douzaine de personnes accordait aux accusés un non-lieu, la liberté ou un assouplissement de leurs conditions de détention. Un fonctionnaire orientait les dossiers vers les juges complices. «On pouvait gagner 500 000 pesos en un seul clic», a-t-il expliqué aux enquêteurs : l'équivalent de près de 200 euros, soit le salaire minimum mensuel. «Ça t'aidera à payer le bus», l'a facilement convaincu un collègue lors de son premier «aiguillage». C'est ainsi qu'un trafiquant d'armes a obtenu la liberté, que des policiers ripoux ont négocié la leur…
L'affaire n'a pas vraiment surpris les Colombiens, habitués à ce que le glaive de la justice «retombe sur les gens en poncho», ceux qui n'ont que peu de ressources, mais jamais sur les fortunés. «Il peut y avoir d'autres organisations de ce genre dans d'autres régions du pays», a reconnu le porte-parole de la Fiscalía, l'organe qui a instruit l'enquête. L'un des cas l