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Interview

Olivier Compagnon: «Les Sud-Américains virent l’Europe sombrer dans la barbarie»

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Olivier Compagnon. Historien spécialiste de l’Amérique latine contemporaine, professeur à l’Institut des hautes études d’Amérique latine (université Sorbonne Nouvelle Paris-III)
publié le 10 novembre 2013 à 18h06

La période des commémorations de 1914-1918 vient de s'ouvrir en France avec des événements et cérémonies qui risquent d'être très nationaux. Décaler son regard vers l'Amérique australe est une façon de rendre compte d'un conflit mondial. Aspect méconnu de cette histoire, les pays de l'Amérique latine furent eux aussi touchés par la déflagration. C'est ce que montre l'historien Olivier Compagnon dans un livre qui vient de paraître, l'Adieu à l'Europe. Le nouveau monde voit ainsi sombrer l'Europe, jusqu'alors phare de la culture et de la modernité, dans la guerre totale et la barbarie. Un désastre qui provoque une énorme désillusion et conduit le continent vers une nouvelle émancipation.

La Grande Guerre provoque une véritable onde de choc transatlantique…

A l'époque, les dernières vagues d'immigration européennes sont récentes, autour de 1880. La moitié de la population de Buenos Aires parle l'italien, imaginez l'émotion dans la capitale argentine quand l'Italie entre en guerre en 1915. Tout au long du XIXe siècle, les élites sud-américaines entretenaient une relation passionnelle à l'Europe qui était le modèle de la modernité. Les intellectuels y faisaient leurs études, notamment à Paris. L'Europe, depuis les Indépendances entre 1808 et 1830, était considérée comme la référence absolue en matière de «civilisation». Avec tout ce que cela pouvait impliquer au XIXe siècle comme par exemple blanchir la nation, soit par l'immigration soit en éliminant les Indiens. La Première Guerre mondiale va complètement inverser ce