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Libération
Récit

Chili, une mémoire élective

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Quarante ans après le coup d’Etat et sous l’impulsion de la nouvelle génération, les Chiliens questionnent leur passé. Un sursaut mémoriel qui pèsera, sinon sur le scrutin de dimanche, du moins sur la prochaine présidence, quasi assurée à Michelle Bachelet.
Le 1er mai 1973, Salvador Allende au stade national de Santiago. (Photo Guillermo Saavedra G.)
publié le 15 novembre 2013 à 18h06

Milza Biffaut est venue en compagnie de son petit-fils Vicente au musée de la Mémoire et des Droits de l'homme, un imposant édifice de béton qui se dresse en plein centre de Santiago, à un jet de pierre du parc Quinta Normal. Assise devant un écran plat qui retransmet les images d'archives du coup d'Etat du 11 septembre 1973, l'élégante vieille dame de 79 ans plisse les yeux lorsque les chasseurs Hawker Hunters bombardent le palais présidentiel de la Moneda. Dans quelques instants, le président socialiste Salvador Allende, élu trois ans plus tôt avec 36,3% des suffrages seulement, se suicidera. Coiffé d'un casque de combat, il a auparavant fait symboliquement le coup de feu contre les putschistes menés par le général Augusto Pinochet, qu'il croyait fidèle. L'expérience chilienne du socialisme par les urnes et le gouvernement de l'Unité populaire (UP) viennent de s'achever dramatiquement. Au même moment, l'ambassadeur des Etats-Unis, présidés par Richard Nixon, sabre le champagne avec son staff en l'honneur de ce «retour à l'ordre et aux institutions». Une féroce répression s'abat sur le pays.

Milza, qui vivait à l'époque à Cauquenes (sud), se souvient de ses larmes lorsque, cachée derrière les rideaux des fenêtres de son séjour, elle a vu les militaires regrouper les militants de gauche de sa rue : «Il était 1 heure du matin, ils les poussaient à grands coups de crosse. Et nous, on ne pouvait rien faire pour les aider, on était impuissants face aux armes.» C