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TRIBUNE

Roms, le peuple des interstices

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par Patrick McGuinness, Ecrivain
publié le 17 novembre 2013 à 18h06

Les Roms sont les seuls à ne pas s’identifier à un territoire. Ils n’évoquent pas de lointaine patrie et ils ne prétendent à aucune souveraineté. Cela devrait nous rassurer, dans notre monde de nationalismes, mais cela a plutôt l’air d’un défi : à la fois archaïque et étrangement futuriste.

Est-ce une communauté prénationale ou postnationale ? Les deux ? Et encore, ces catégories, les reconnaissent-ils seulement ? Leur drapeau est une roue à seize rayons, et leur hymne national n’évoque ni racines, ni terre natale, ni batailles gagnées, ni domination terrestre ou maritime, mais la route - n’importe laquelle, pourvu qu’on y croise d’autres Roms. Il est difficile d’imaginer un groupe plus mal adapté à notre monde de frontières et d’Etats-nations. Il y a quelque chose d’effroyablement familier dans cette histoire de soi-disant enlèvement de fillette en Grèce, que les médias, avec un racisme à peine voilé, ont baptisé «l’ange blond», le non-dit étant qu’elle est parmi des «démons noirs»…

Il y a quelque chose d'atavique et médiéval dans cette histoire, presque une légende, comme si on voyageait dans le temps vers l'univers des frères Grimm. Sauf que tout cela se déroule dans une Europe où les racismes se développent et où les partis d'extrême droite ont de plus en plus d'audience. Depuis le XVe siècle, les Etats tentent de persécuter, de légiférer ou de marginaliser les Roms hors de l'existence.

Tout sophistiqués et globalisés que nous soyons, nous sommes aussi plus que j