Le soir venu, vers 19 heures, lorsque les ratissages de la police marocaine ont cessé, Dream All Good reprend des forces. Il s'anime et partage avec ses compagnons d'infortune sa gouaille et son sens du rythme. Dream All Good, c'est le nom d'artiste que s'est donné le Camerounais Jacky (1), une armoire à glace de 22 ans à la voix de ténor. Sous la lumière diffuse d'une demi-lune, au milieu de l'épaisse forêt de pins maritimes, il improvise un rap relatant son sort précaire, son long voyage commencé à Douala en 2009, les mensonges adressés de temps en temps à sa mère au téléphone ( «Tout va bien, maman, je vais bientôt commencer à travailler» ), les tabassages des paramilitaires marocains, et puis le froid de la nuit, la faim, les courses éperdues pour fuir les coups, l'épuisante existence de bête traquée.
Bouillie de farine, sardines et miches de pain
Une soirée de plus et toujours le même rituel : Dream All Good et une dizaine de compatriotes, assis sur des rochers devant une popote rudimentaire - de la farine en bouillie, des sardines et des miches de pain -, tournent le regard vers leur objectif, leur rêve, la cible ultime de leur interminable odyssée. Du haut d’un promontoire pierreux, ils contemplent les mille feux de Melilla, ce confetti espagnol posé sur le littoral nord-est du Maroc, seule frontière terrestre, avec Ceuta, séparant l’Afrique et l’Union européenne.
D’où ils se trouvent, on perçoit avec netteté les projecteurs de l’aéroport, les éclairages du boulevard périphérique et tous l