C’est peut-être lui l’incarnation de l’humanité en Syrie, cette minuscule lueur qui perdure quand tout a sombré dans la nuit, quand tout est perdu, quand les chiens errants rôdent autour du sépulcre à la mauvaise haleine de ce qui fut une rue, un quartier, une ville.
Lui, c’est Huzeifa Edrees, le petit pharmacien du quartier de Bab Amro, à Homs, qui, au plus fort de la tempête d’acier de février 2012, vous invitait à boire le thé dans son bureau et vous emmenait loin de Bab Amro, de Homs, de la Syrie, de ces horreurs qui vous assèchent la gorge en vous racontant son adoration pour… la famille royale britannique.
Ce 16 février 2012, dans le petit dispensaire, une infirmière, à bout de nerfs, vient d'éclater en sanglots. Le médecin, Mohammed al-Mohammed, l'un des rares toubibs du quartier assiégé depuis sept mois, craque à son tour. Avec une pince de chirurgie, il arrache avec violence un shrapnel planté dans l'œil d'un blessé, constate qu'il a cessé de respirer et jette l'éclat d'acier et l'instrument au beau milieu de la pièce en hurlant des imprécations, avec une haine sauvage, à l'adresse de Bachar al-Assad. A côté des autres blessés, dont on ne sait s'ils vivent encore, une mère s'est mise à hurler. Dehors, les bombardements se sont encore rapprochés du petit centre de soins, simple appartement au rez-de-chaussée d'une maison dont le second étage a déjà été foudroyé par une roquette qui a détruit la citerne d'eau. Et malgré ce désastre général, ce sentiment de naufrage abso