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grand angle

Venezuela: Des braquages aux plaquages

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Initiative improbable mêlant rugby, production de rhum et réinsertion de tueurs à gages, le projet Alcatraz, porté par le patron d’une grande entreprise, est un miracle social dans un pays ultraviolent.
publié le 3 décembre 2013 à 17h06

Ils démarrent à la vitesse d’un pétard et déclenchent crochets, contre-appuis et cadrages-débordements comme ils appuyaient sur la gâchette, agiles, rapides. Les rugbymen d’Alcatraz ont une attitude unique, une capacité géniale et insatiable à mettre le feu dans les défenses. Nés dans l’enfer des pires quartiers de l’un des pays les plus violents du monde, ces jeunes en réinsertion n’ont qu’une devise, affichée en lettres de sang sur leur maillot : «Zéro violence».

«Il y a pile onze ans, j'aurais passé ce week-end sur la place centrale, le flingue à la main, à vendre de la drogue en faisant bien gaffe aux autres bandes», dit José Arrieta, encore essoufflé et suant à la sortie d'un match. Le capitaine et mentor d'Alcatraz, la trentaine bedonnante, revient de loin. Sa vie, comme celle des habitants de Revenga, une ville de 50 000 âmes à une heure trente à l'ouest de Caracas, a changé à jamais une nuit de février, en 2003. Avec deux acolytes, José attaque le dépôt d'armes privé de la principale fabrique de rhum du Venezuela, l'hacienda Santa Teresa. Il repart tranquillement avec quelques pistolets et une radio, mais le lendemain la chasse est lancée. Le propriétaire de l'empire Santa Teresa, Alberto Vollmer, envoie un de ses gardes à leurs trousses. «On avait peur d'apparaître vulnérables et on n'avait aucune confiance en la police», raconte ce dernier pendant un tournoi, sans perdre une miette du match qui se déroule sous ses yeux. «Mais les policiers ont