Historien et professeur de sciences politiques à la fois en Afrique du Sud (université de Witwatersrand) et aux Etats-Unis (Duke University), le Camerounais Achille Mbembe
(photo AFP)
est aujourd’hui l’un des intellectuels africains les plus lus et influents. Dans
Critique de la raison nègre
qu’il a fait paraître en octobre (la Découverte), il consacre quelques très belles pages à Nelson Mandela. Après l’annonce de la mort de «Madiba» jeudi soir, il revient sur cette immense figure.
Au jour de sa mort, quelle figure incarne Mandela en Afrique du Sud ?
Il est pour l’Afrique du Sud ce que furent ailleurs les grands bâtisseurs des nations. Grâce à lui, l’Afrique du Sud cesse d’être un simple accident de la géographie et de l’histoire, et devient sa propre idée. Mandela est celui qui permet à ce pays exceptionnel d’entrevoir ce que pourrait être son idée, celle d’une communauté par-delà la race.
Et ailleurs sur le continent ? Est-il pour les Africains une incarnation de l’ensemble du continent ?
Dans le reste du continent et dans la diaspora, il est celui qui vient conclure une très longue phase de luttes pour l'émancipation. Cette phase s'accélère au cours du XIXe siècle avec le mouvement pour l'abolition de la traite des nègres et de l'esclavage. Elle se poursuit avec la décolonisation et la lutte pour les droits civiques conduite par Martin Luther King. Mandela clôt ce long cycle en entrouvrant dans les faits la possibilité d'une vie politique démocratique où la race est sans objet.
Mandela n’a pas toujours été perçu comme un héros. Mais, peu de temps avant sa libération, comme un terroriste.
De fait. Il ne fut pas le seul dans ce cas. Pendant longtemps, les organisations en lutte pour la libération des opprimés furent considérées c