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Libération
TRIBUNE

«Hamba kahle, Nkos’»

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L’hommage de l’écrivain Breyten Breytenbach.
par Breyten Breytenbach
publié le 6 décembre 2013 à 19h46

Un poète sud-africain, il y a un siècle, a écrit au moment où la mort s'est dévoilée à Paul Kruger, le dernier président de la république du Transvaal : «Soyons silencieux, les gars : un grand homme passe…» Kruger était alors en exil - son pays, ayant perdu la guerre, n'existait plus.

Madiba s’en va. Au moment d’entrer en exil, à son tour il laisse derrière lui un pays qu’il a aidé à forger. Mais, en fait, le pays l’a quitté il y a bien longtemps. Que reste-t-il de nos rêves de liberté, de la dignité humaine même, et surtout, pour les plus démunis, de cette nouvelle nation qui allait enfin vivre dans la paix, la prospérité d’une renaissance et la réconciliation des histoires sanglantes ? Que reste-t-il de notre imagination éthique ? Où est passée notre révolution ?

Mais, d'abord, c'est un être humain qui s'en va. Un boxeur. Un danseur. Un homme qui aimait les femmes. Et les enfants - sûrement tous les enfants, et d'abord les siens, qu'il n'a pas pu protéger ou guider pendant son long exil en prison. Un bagarreur. Un avocat. Un stratège, certes, mais un homme de principes. Un charmeur. Un homme d'humour et un raconteur hors pair. Un humaniste. Un chef. Un visionnaire. Un roi. Il nous incombe d'abord de nous incliner. D'être fier de faire partie d'une humanité qui a pu voir marcher sur terre un homme comme Nelson Rolihlahla («celui qui secoue les branches») Mandela. Et de pleurer, comme il aurait pleuré lui aussi, de ce qu'on a fait de cette Afrique du Sud qu'il a rêvée