Philosophe, professeure de littérature comparée à l'université de Berkeley (Californie), Judith Butler est l'une des fondatrices de la queer theory. Ses travaux sur le genre, et son livre Trouble dans le genre, sont parmi les plus cités au monde sur ces questions.Elle intervient aussi régulièrement dans l'espace public, et notamment depuis une dizaine d'années sur la question du conflit israélo-palestinien, l'abordant dans une perspective de philosophie éthique, de théorie politique et de justice sociale. Ses principaux textes sur le sujet viennent d'être regroupés et publiés en français sous le titre Vers la cohabitation (Fayard).
Dans Vers la cohabitation, vous dites en passant que vous avez grandi dans une communauté juive, que vous avez été formée au plan éthique et philosophique par ces «valeurs juives». Quelle fut cette éducation ?
En France, j’ai toujours la crainte d’être mal comprise quand je dis que j’ai été formée dans une communauté juive, j’ai peur qu’on me catalogue «communautaire». Aux Etats-Unis, les choses sont plus simples à cet égard. Enfant, j’allais à la synagogue, mes parents étaient engagés dans des organisations sionistes et on m’a enseigné le sionisme à la synagogue. Je suis allée très jeune en Israël. Mais beaucoup de gens de ma génération ont reçu ce type d’éducation tout en participant d’un univers très sécularisé. Je suis toujours allée à l’école publique, j’habitais dans un quartier très mixte et intégré racialement. Adolescente, je me suis engagée avec mes parents dans les mouvements pour les droits civiques, ce qui signifiait à l’époque aux Etats-Unis des combats pour l’égalité raciale et pour les droits de