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Libération
TRIBUNE

Nelson Mandela, philosophe

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par Jean-Paul Jouary, Philosophe
publié le 8 décembre 2013 à 17h06

La mort de Nelson Mandela est l’occasion d’innombrables hommages à son courage, le rôle qu’il a joué dans la destruction de l’apartheid, son rayonnement planétaire, et cette fois, nulle réserve ne peut venir tempérer l’éloge de cet homme d’exception.

On pourrait ajouter une autre chose, qui demeurera même si un jour nul ne se souvient de ce que fut l’Afrique du Sud raciste : au terme de ses vingt-sept années de prison, Mandela a fait exister pratiquement une idée nouvelle de la politique, de portée universelle. Pratiquement, donc plus forte que tout ce que la théorie avait pu développer. Quelle est cette idée ? Alors que le monde entier aurait compris - pas excusé, compris - que le peuple noir d’Afrique du Sud, tant humilié, massacré, exploité par la minorité au pouvoir, célèbre sa soudaine libération par une colère irréfléchie qui aurait comme toujours dans ce genre de situation conduit à des violences meurtrières, il n’en a rien été. Les victimes n’en ressentaient pas moins les souffrances vécues et les haines qu’elles pouvaient susciter. Mais en devenant le symbole vivant de cette libération et le président de cette nation, Nelson Mandela (avec Desmond Tutu) a eu la force et l’intelligence de donner à ces sentiments violents une autre destinée : la création d’une «Commission vérité et réconciliation» permit pendant deux années, publiquement, aux anciennes victimes et leurs parents de dialoguer avec leurs anciens bourreaux, verbalisant leur douleur, acceptant ou refusant le