Chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri), auteur de l'Etat en Afrique, la politique du ventre (Fayard), Jean-François Bayart analyse le rôle de la France en Centrafrique.
Cette intervention française en Centrafrique est-elle le dernier avatar de l’éternel retour du gendarme français en Afrique ?
François Hollande avait-il d’autres choix que de déclencher cette opération ? Rester l’arme au pied alors que des massacres se déroulent dans ce pays qui nous est proche, ce n’était pas évident à assumer. Mais, paradoxalement, cette opération s’inscrit selon moi dans une volonté de rupture manifestée en son temps par Lionel Jospin : quand il était à Matignon, il avait refusé d’intervenir au Congo-Brazzaville en 1997, puis lors du coup d’Etat en Côte-d’Ivoire en 1999. Si l’armée française était intervenue à Bangui en mars dernier, lors de la chute de l’ancien président, François Bozizé, cela aurait été une ingérence dans les affaires intérieures du pays. Un peu comme ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy au Tchad en 2008, quand la France a soutenu militairement le président Idriss Déby contre une attaque des rebelles et lui a permis de liquider au passage son opposition démocratique à N’Djamena.
Pourquoi la France se retrouve-t-elle encore une fois seule ?
Au Mali, il y avait une forme d’irresponsabilité de la part de nos partenaires européens. Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), ce n’est pas seulement le problème de la France. C’est un danger pour toute l’Europe. En Centrafrique, c’est plus discutable. Les Européens redoutent d’être instrumentalisés comme ils ont pu l’être au Tchad, en 2008, quand l’UE avait déployé une force permettant