Les nuits de Mohammed Shadi sont paisibles. Il ne fait pas de cauchemars, ne se réveille pas en sursaut, paniqué par les souvenirs d'une guerre qui enferre son pays, la Syrie, dans la sauvagerie. Rien, ni les visages de ses amis tués ni les voix des jihadistes qui le menaçaient de mort, ni même les réminiscences des tortures subies dans les prisons du régime de Bachar al-Assad, ne troublent son sommeil. Shadi, révolutionnaire syrien de 25 ans, réfugié en France depuis le mois de mai, ne fait qu'un rêve apaisé, toujours le même : «Je suis avec mon oncle, en Syrie. Nous dînons dans son salon ou nous buvons du café sur sa terrasse qui domine les champs d'oliviers. Nous rions ou nous nous disputons, peu importe, mais il est toujours là, avec moi.»
Dans la réalité de la barbarie syrienne, l'oncle de Shadi a disparu un soir de l'été dernier. Des jihadistes sont venus chez lui, dans sa maison blanche d'Atmé, son village familial, adossé à la frontière turque. Ils l'ont emmené pour, ont-ils dit, l'interroger. Personne ne l'a revu. «Nous n'avons aucune nouvelle, rien, pas un coup de téléphone, pas une lettre. Nous ne savons même pas s'il est vivant.» Shadi dit cela d'une voix douce et basse, presque résignée. Il sait que le même sort l'attendait.
Ordinateur, vêtements et laissez-passer
Recherché par les forces loyalistes pour avoir participé au soulèvement contre le régime de Bachar al-Assad à Alep, la grande ville du nord, il était aussi devenu une cible pour les jihadistes depuis qu'il avait fondé un camp