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Libération
Reportage

Au Maroc, dans le camp des Africains

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Un terrain vague proche de l’université d’Oujda est devenu la base de repli des Subsahariens qui espèrent passer en Europe via Melilla. Les onze communautés y ont élu des chefs, aujourd’hui relais du gouvernement pour les questions de régularisation.
par Anna Ravix, Envoyée spéciale à Oujda
publié le 16 décembre 2013 à 17h56
(mis à jour le 29 janvier 2014 à 17h56)

Kwame revient tout juste de Nador, ville de l’est marocain, à une dizaine de kilomètres de l’enclave espagnole de Melilla.

Ce Ghanéen de 26 ans a encore essayé de passer en Europe. Encore un échec.

Pour cette troisième tentative, il était resté caché dans la forêt, sur le mont Gourougou, en surplomb de Melilla. «Et puis la nuit, on est passés à l'attaque, c'est comme ça qu'on dit. On descend tous en même temps pour avoir plus de chances de passer, et on attaque.» La deuxième rangée de barbelés, de 6 mètres de hauteur, l'a obligé à faire demi-tour. Il s'est frotté aux «barbelés-rasoirs» que les autorités espagnoles continuent d'installer à Melilla, malgré leur interdiction par la convention de Genève. Il exhibe sa voûte plantaire traversée par une plaie d'une vingtaine de centimètres, recousue grossièrement et badigeonnée de Bétadine séchée. Son pied a doublé de volume. Kwame est revenu «pour se soigner» au point de départ de son expédition ratée, à «l'école», nom du grand terrain vague à la lisière de la cité universitaire d'Oujda où les migrants ont installé un camp de fortune depuis près de dix ans. Des tentes montées avec quelques bouts de bois, des couvertures et des bâches en plastique ont poussé devant les fenêtres des amphis.

Environ 300 personnes, essentiellement des hommes, survivent dans ce bidonville. Il leur faut marcher une grosse demi-heure pour avoir un accès à l’eau, qui n’est même pas potable. A l’entrée de chaque ten