Quelle drôle d’idée, fêter l’anniversaire d’une frontière. Surtout que, depuis vingt ans et les accords de Schengen, on passe comme on veut de la France à la Belgique. Pour faire ses courses, pour travailler. Pour le goût de l’ailleurs. C’est aux détails qu’on se repère : la pelouse au carré et la haie bien taillée, c’est la Flandre belge. Avec cette maudite signalisation au sol, des zébras dans tous les coins qui désorientent.
De la France, ils expliquent, avec tact, qu’elle est, disons, un peu moins propre que chez eux. Ils aiment en elle ce charme brouillon des pays latins, y compris dans ce Nord voisin qui leur est si semblable : mêmes beffrois des hôtels de ville, mêmes lumières rasantes et dorées des fins d’après-midi d’automne qu’ont magnifiées Brueghel et Rubens.
Mais le Nord ne parle plus flamand, depuis qu’il est français. A cause de Louis XIV et de son goût de la guerre.
En France, l'anniversaire est passé inaperçu : ce traité si pragmatique, signé entre ennemis épuisés à Utrecht, en 1713, pour mettre fin à la guerre de succession d'Espagne, à quoi bon ? Le Roi-Soleil, de plus, avait boudé : pour se tracer une généalogie exemplaire, il voulait dans son royaume Tournai, la bourgade de naissance de Clovis, le premier roi des Francs. Raté. Mais en Belgique, c'est une autre affaire : le traité d'Utrecht reste une cicatrice. «Pour nous, c'est l'occupation et la perte d'une partie de la Flandre ; pour vous, c'est juste un rattachement», soupire Rik Opsommer, l'arc