Tout est sens dessus dessous à Bossangoa, à 300 kilomètres au nord de Bangui. Aucun magasin ne fonctionne, les écoles sont fermées depuis des mois. Il n'y a pas de pain, pas de vendeur à l'étalage. Aucune voiture à l'horizon, ni même de moto. «Les hommes de la Séléka [la rébellion qui s'est emparée du pouvoir à Bangui en mars, ndlr] ont tout raflé», explique Christian, un enseignant désœuvré. Seuls les véhicules du détachement français de l'opération «Sangaris» (150 hommes) et des soldats congolais de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique) circulent dans des quartiers fantômes. Une grande partie de la population s'est réfugiée dans deux camps - l'un chrétien, l'autre musulman - situés à l'intérieur même de Bossangoa. Un haut fonctionnaire résume ainsi la situation : «Plus rien ne marche ici, les gens se terrent comme des animaux. On ne sait pas d'où est venu le diable qui a divisé une population qui a vécu en paix durant des décennies.»
Le «diable», en l’espèce, est un poison politico-militaire qui s’est métamorphosé au fil des mois en conflit religieux. Jusqu’en mars, la majorité chrétienne vivait, semble-t-il, en bonne intelligence avec la minorité musulmane. Les mariages mixtes étaient fréquents, les échanges naturels entre, d’une part, les commerçants «arabes» et éleveurs peuls et, d’autre part, les agriculteurs, de confession chrétienne.
«Chèvres». Tout a dérapé avec la prise de la ville par l