«C'est probablement le vin réalisé dans les conditions les plus difficiles du monde», résume Sandro Saadé, propriétaire avec son frère Karim du domaine Bargylus, situé dans le nord-ouest de la Syrie, à 50 km de la ville portuaire de Lattaquié. Le vignoble, au cœur de la montagne alaouite - le djebel Ansarieh - a été touché par les combats pour la première fois depuis deux ans. «Nous avons failli annuler les vendanges, explique Karim Saadé. Des affrontements ont eu lieu à 500 mètres du vignoble, et plusieurs cuves ont été endommagées.»
Quand la famille Saadé a planté en 2003 les premiers pieds de vigne, elle s’est lancée dans un pari un peu fou, mais était loin d’imaginer qu’un tel conflit allait éclater. Johnny Saadé, le père de Karim et Sandro, un Libanais grec orthodoxe d’origine syrienne, ancien copropriétaire du groupe maritime CMA-CGM, souhaitait développer le premier vin syrien de stature internationale, dans un pays où il n’était produit que par des coopératives d’Etat. Le domaine Bargylus s’est fait un nom, mais la guerre menace de briser cet élan.
Les jeunes entrepreneurs n'ont pas pu se rendre en Syrie depuis un an et demi. Alors, ils pilotent les étapes de la vinification depuis Beyrouth, épaulés par l'œnologue bordelais Stéphane Derenoncourt. La période précédant les vendanges a été la plus délicate. Tous les trois jours, les Saadé ont fait venir par taxi du raisin dans des boîtes réfrigérées, pour évaluer le taux de sucre et fixer la dat