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récit

Le cran des Siciliens

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Révoltée par le racket institutionnalisé par Cosa Nostra en Sicile, l’association Addiopizzo a permis l’émergence d’un réseau de commerçants insoumis.
par Anne-Laure MURIER, Reporters d'espoir
publié le 23 décembre 2013 à 17h06

Palerme, son Teatro Massimo d'architecture néoclassique, troisième plus grand opéra d'Europe après Paris et Vienne, hommage à l'unité italienne scellée en 1861. Sauf que pour la guide du jour, Chiara Utro, ce n'est pas le sujet. «A Palerme, explique-t-elle aux visiteurs, chaque monument, chaque rue, chaque personne cache une histoire de mafia.»

Dans le Parrain, du cinéaste Francis Ford Coppola, la fille du chef mafieux meurt criblée de balles sur les marches du monument. Dans la vraie vie, la mafia a carrément bloqué la restauration de l'opéra. «Le chantier devait durer sept mois, poursuit la guide. Imaginez que ce temple de la culture est resté fermé pendant vingt-quatre ans : l'argent dévolu aux travaux disparaissait régulièrement…»

Si l'on visite Palerme avec Addiopizzo Travel, et sa guide Chiara Utro, on entend ce type d'explication qui ne figure pas dans les brochures. Mais on suit aussi l'histoire d'années de lutte contre le racket mafieux, le pizzo, menée par l'association Addiopizzo. Depuis bientôt une dizaine d'années, ce groupement refuse de faire le jeu de Cosa Nostra. A l'origine de cette révolte, une poignée de jeunes activistes qui envisageaient de monter un bar. Mais ils craignaient de ne pouvoir échapper à «l'impôt de protection» exigé par la mafia. Un racket organisé auquel, tous secteurs confondus, 80% des activités commerciales seraient contraintes et souscriraient les yeux baissés.