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Libération
Récit

«Les gens pourrissaient au soleil»

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Partis vers l’Algérie, début octobre, ils avaient presque atteint leur but : 92 migrants ont péri, morts de soif dans le désert du Niger. Abou, qui a survécu, raconte.
Des soldats creusent des tombes le 30 octobre pour les corps des 92 migrants morts de soif près de la frontière algérienne. (Photo AFP)
publié le 27 décembre 2013 à 17h06
(mis à jour le 30 décembre 2013 à 18h24)

En connaissaient-ils les périls quand ils sont partis début octobre d’Arlit, à travers le désert du Ténéré, en direction de Tamanrasset ? Ce n’est que fin octobre que la nouvelle du drame a été rendue publique. L’armée nigérienne a recensé 92 corps : ceux de 33 femmes, 7 hommes et 52 enfants ; 17 personnes, dont une fillette de 10 ans, ont survécu. Tous étaient originaires de la préfecture de Matamèye, dans la région de Zinder, zone limitrophe du Nigeria, à plus de 1 200 km des lieux du drame. Aussitôt, les services de l’Etat se sont empressés de fermer les hangars de transit d’Agadez et d’Arlit,

«ces hubs de tous les trafics»

selon la formule du président Issoufou qui a reçu

Libération.

«Mais ils ont été rouverts quelques jours plus tard. La corruption est endémique ici et le pouvoir central, qui sait ce qui se passe, ne fait rien pour changer les choses»

, souffle Mohamed Anacko, président du Conseil régional d’Agadez, qui affirme avoir alerté plusieurs fois la présidence de la République, lui suggérant de

«faire le ménage dans l’administration du gouvernorat».

Une cage en forme de gril

A leur départ d'Arlit, à 180 km de la frontière algérienne, les clandestins sont entassés dans deux 4 × 4 Toyota que Mohamed Anacko appelle «des cercueils roulants». Ils ont été aménagés pour le transport du bétail. Femmes et enfants dans la petite benne du 4 x 4, entassés, corps recroquevillés, comme tapissant les alvéoles d'une ruche. Les hommes, eux, ont pris position sur une