Robert Badinter n’est pas au bout de ses peines. Ouvert il y a quatorze ans, le chantier de l’espace judiciaire européen (1) qu’il appelle de ses vœux en est encore aux fondations : les résistances nationales ne faiblissent pas, justice, police et défense étant au cœur des souverainetés étatiques. Les rares progrès ont été réalisés dans la panique après les attentats du 11 septembre 2001 (mandat d’arrêt européen, harmonisation des incriminations pour terrorisme, lutte contre le blanchiment d’argent, etc.). Depuis, rien, ou presque. Ainsi, la création d’un parquet européen capable de poursuivre les crimes transnationaux, à l’image de la justice fédérale allemande ou américaine, est au point mort.
Fraude. L'idée n'est pourtant pas nouvelle : la création d'un ministère public européen a été proposée dès 1996 par le socialiste allemand Klaus Hänsch, alors président du Parlement européen, afin de lutter contre les fraudes au budget de l'Union (détournement des fonds agricoles ou régionaux, importation illégale de cigarettes, etc., soit 500 millions d'euros par an en moyenne). En décembre 2000, la Commission embraye, sans succès : les Etats refusent d'inclure un tel projet dans le traité de Nice alors en négociation, préférant créer Eurojust, sorte de centre de coordination des enquêtes et des poursuites basé à La Haye (Pays-Bas)… qui n'a aucun pouvoir de contrainte sur les Etats.
L'idée renaît lors de la convention de 2002-2003 chargée de rédig