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Interview

Boubacar Boris Diop. Auteur sénégalais : «L’illusion d’être une grande puissance»

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publié le 5 janvier 2014 à 21h46

Ecrivain sénégalais, Boubacar Boris Diop publie cette semaine avec Aminata Traoré un livre très critique sur l’opération Serval au Mali (1).

«Vingt ans après le génocide des Tutsis du Rwanda, on arrive peut-être à la fin d’un cycle d’interventions françaises en Afrique. Au Rwanda, Paris avait soutenu le régime Habyarimana dès 1990. Par la suite, la présence militaire française a plutôt compliqué la situation, lors de la dérive génocidaire anti-tutsi de ce régime hutu comme pendant l’opération Turquoise.

«Aujourd'hui avec l'intervention en Centrafrique, ce qui frappe, c'est l'impuissance de la France, qui aura des conséquences sur les consciences africaines. Depuis les indépendances, il y a toujours eu ce principe de parrainage des ex-colonies, qui dépasse les intérêts économiques puisque, en réalité, sans l'Afrique, la France est l'équivalent de l'Espagne ou de l'Italie. Seule l'Afrique lui donne l'illusion d'être une grande puissance. Mais les temps changent. La France n'est plus le seul interlocuteur : il y a la Chine, les Brics [Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, ndlr], les Etats-Unis. Les jeunes générations en sont plus conscientes. Elles sont plus critiques, et personne en Afrique n'est dupe : les interventions militaires ne sont pas seulement humanitaires. Paris défend sa position et ses intérêts. D'ailleurs, c'est devenu plus délicat : la France ne peut plus intervenir en terre africaine sans avoir la bénédiction de l'ONU. Ce qui conduit parfois à des