«Le cannibalisme ? Je ne peux pas en parler.» Le visage d'Oleksandra Ivanivna Ovdiyuk ne peut dissimuler sa frayeur. A 93 ans, cette ancienne professeure d'histoire n'a rien oublié. Dans le village de Tarhan, à 120 kilomètres au sud de Kiev, elle est l'une des dernières survivantes de l'Holodomor, une grande famine qui a sévi en 1932-1933. Dénoncée comme artificiellement organisée par les autorités soviétiques, elle aurait emporté entre 2 millions et 5 millions de vies dans la République socialiste soviétique d'Ukraine, selon les estimations. Au souvenir de la faim qu'elle a pu ressentir, les larmes lui viennent. Tout était alors utilisé pour survivre : les orties, les racines, les écorces d'arbre, les semelles de chaussure, etc. «Ils avaient tout pris, tout. Il n'y avait plus rien à manger. Les gens n'étaient plus eux-mêmes. La moitié du village est mort de faim.»
«L'Holodomor était un acte de génocide qui n'a pas touché les autres républiques de l'URSS. Staline avait organisé cette famine pour réduire la paysannerie ukrainienne à néant, analyse l'historien Vasyl Marotchko. En 2006, l'Ukraine a reconnu la famine comme génocide, mais seuls 15 Parlements dans le monde ont suivi. Nous nous heurtons à de forts obstacles de la part de Moscou ou encore du Parti communiste ukrainien, qui ne veulent pas reconnaître les crimes de l'époque soviétique, et discréditent les recherches des historiens.»
En novembre dernier, lors de la commémoration annuel