Bien calé dans son fauteuil, sous le portrait de Michel Djotodia (il y a quelques jours encore président de la République centrafricaine), Ghislain Grésenguet, le procureur de la République, soupire de soulagement en éteignant son téléphone portable : «Je viens de recevoir un appel d'un officier de police judiciaire. Il y a eu un cambriolage la nuit dernière dans le quartier et il voulait me tenir informé de l'état de l'enquête.» Puis, après un court silence : «C'est une excellente surprise. Cela faisait longtemps que je n'avais pas reçu un appel de ce type.»
Ce matin-là, le magistrat a fait ouvrir le tribunal de grande instance de Bangui, situé en plein centre-ville. Il fait visiter la salle d'audience poussiéreuse, munie de bancs rustiques, où trône la devise du pays. «Zo Kwe Zo» : «Tout homme est un homme.» Le lieu paraît comme figé dans le temps. Le 20 novembre 2013, la justice - ou ce qu'il en restait - a cessé de fonctionner dans la capitale centrafricaine. Le personnel s'est mis en grève illimitée pour protester contre l'assassinat, le 16 novembre, en plein jour et par des inconnus armés, de Modeste Martineau Bria, un magistrat, directeur des services judiciaires au ministère de la Justice. «Après la prise du pouvoir par la Séléka [rébellion originaire du nord du pays, à dominante musulmane, ndlr], on a travaillé avec les moyens du bord. A mes côtés officiaient six substituts et, jusqu'au 20 novembre, nous tenio