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Interview

Dounia Bouzar : «Il est temps que les musulmans fixent le curseur entre islam et radicalisme»

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Face aux risques de dérive sectaire, l’anthropologue Dounia Bouzar, membre de l’Observatoire de la laïcité, conseille à l’ensemble des musulmans de s’affirmer. Et ainsi, de couper court aux amalgames.
publié le 17 janvier 2014 à 20h26

Ancienne éducatrice à la protection judiciaire de la jeunesse, l'anthropologue Dounia Bouzar travaille depuis quinze ans sur la gestion du fait religieux dans l'entreprise et les institutions - elle a notamment été médiatrice dans les affaires de voile à l'école. François Hollande l'a récemment nommée membre de l'Observatoire de la laïcité. Connue pour son approche pragmatique de ces questions, elle combat depuis toujours la stigmatisation des musulmans et les lois d'exception qui leur sont destinées. Longtemps, elle a considéré que ces derniers n'avaient pas à rendre compte des actes et des positions des fondamentalistes. Dans son dernier ouvrage, Désamorcer l'islam radical, publié ce mois-ci, elle change de point de vue : les musulmans doivent «sortir de leur silence» face aux mouvements radicaux sectaires qui, selon elle, touchent de plus en plus de jeunes en France.

Vous décrivez une dérive sectaire de l’islam qui toucherait particulièrement les jeunes. Pourquoi parler de secte plutôt que d’intégrisme ?

Savoir si ces groupes sont salafistes, tabligh ou affiliés aux Frères musulmans ne m'intéresse pas. Je suis restée éducatrice dans l'âme, je regarde l'effet du discours. Lorsque le discours religieux amène des jeunes à l'autoexclusion et à l'exclusion des autres, il y a dérive sectaire. Ces jeunes partent du principe que la société dans laquelle nous vivons est païenne car régie par le mal, le sexe, la violence et l'argent. La religion devient alors un code de conduite pour construire de nouvelles frontières symboliques entre eux et les autres, et ce par tous les moyens : l'habillement, le co