Avec sa trentaine de bâtiments perchés sur une colline des faubourgs ouest de Jérusalem, Hadassah est à la fois l'un des plus grands hôpitaux israéliens et une faculté de médecine fédérant plusieurs instituts de recherche. «Une ville ! 3 000 personnes travaillent ici !» s'exclame le professeur qui nous entraîne d'un pas ferme à travers un dédale de couloirs jusqu'à son petit bureau de l'Ecole de pharmacie aux étagères parfaitement ordonnées où figurent d'énormes volumes intitulés «Marijuana».
Raphael Mechoulam, chimiste, a 83 ans. Il est le président de la section des sciences naturelles de l'Académie israélienne des sciences, ancien recteur de l'université hébraïque de Jérusalem où il a fait l'essentiel de sa carrière, et auteur de 296 articles scientifiques dont le dernier vient d'être publié. Il y a cinquante ans tout juste, il isolait le principe psychoactif de la marijuana, le THC (tétrahydrocannabinol), posant la première pierre d'une science des cannabinoïdes dont il est reconnu, mondialement, comme le père et expert. Il est aussi un acteur discret, mais majeur, de la politique israélienne de santé qui permet aujourd'hui à 11 000 patients d'avoir accès au cannabis (Libé d'hier).
Petit homme calme à l'humour vif, Raphael Mechoulam a la mémoire encyclopédique des intellectuels d'Europe orientale qui lisent une demi-douzaine de langues. Né à Sofia, en Bulgarie, il a vu son pays basculer dans le camp nazi, puis communiste - «l'heure du lavage de cervea