Spécialiste de l'Ukraine, Alexandra Goujon, maître de conférence à l'université de Bourgogne et à Science-Po Paris a notamment publié Révolution politique et identitaire en Ukraine et Biélorussie (Belin).
Le mouvement se radicalise-t-il ?
Il y a effectivement un changement de nature du mouvement depuis une semaine, notamment après que les manifestants, las de l’inaction des leaders de l’opposition, ont tenté dimanche dernier de se rendre au Parlement. Des affrontements très durs ont alors commencé. Le régime a adopté des lois très répressives. La radicalisation du pouvoir a entraîné celle du mouvement, qui s’est encore durci avec les premiers morts. Il y a des passages à tabac et des agressions ciblées, des blessés arrachés aux hôpitaux. Personne à Maïdan ne prend au sérieux les ouvertures de façade du pouvoir. Le mouvement est né du refus du président, Viktor Ianoukovitch, de signer fin novembre un accord d’association avec l’Union européenne sur lequel il s’était publiquement engagé. Puis il a fait volte-face au dernier moment. Tous les engagements qu’il a pris vis-à-vis des contestataires sont restés vains. D’où la montée en puissance de cette protestation qui, au-delà de la question de l’Europe, crie une exigence de liberté et son refus d’un régime mafieux et criminel attaché à préserver par tous les moyens ses privilèges.
L’opposition incarne-t-elle une alternative crédible ?
Elle garde son rôle de porteur de la parole politique du