Le vendredi, Csanád Szegedi coiffe sa kippa, part prier à la synagogue et coupe son téléphone portable jusqu’au samedi soir. Comme tout juif pratiquant qui se respecte. Sauf qu’il y a encore vingt mois, il était l’un des chefs de l’extrême droite hongroise, le vice-président du Jobbik (Mouvement pour une meilleure Hongrie), parti d’opposition ultranationaliste et raciste.
A la télévision, Szegedi accusait les Juifs de vouloir coloniser la Hongrie. A la tribune du Parlement européen, où il avait été élu en 2009, il pourfendait «l'intelligentsia juive». Lors de la première session, il n'avait pas hésité à arborer le gilet noir de la garde hongroise, la milice qui terrorisait les Tsiganes à la fin des années 2000. Tout ça, c'était avant que Csanád Szegedi ne découvre qu'il est lui-même juif et qu'il ne rompe tous les ponts avec l'extrême droite.
A 32 ans, portant avec une élégance juvénile un costume bleu foncé qui met en valeur ses yeux clairs, Csanád Szegedi reçoit Libération au siège budapestois de la communauté Chabad Loubavitch dont il est devenu un fidèle. Ce mouvement hassidique orthodoxe, né en Pologne mais installé aux Etats-Unis, en Israël et en Europe de l'Ouest, s'est implanté en Europe centrale après la chute du communisme.
Pour Szegedi, tout a commencé en 2010, quand un rival de son parti le traite de juif pendant un tête-à-tête. Szegedi n'est guère surpris. «C'est une insulte courante dans les milieux de droite et d'extrême droite», dit-il