Ils passent fièrement en brandissant le pied de l’inconnu. Trois jeunes, hilares, serrés sur la selle d’un scooter déglingué qui zigzague sur l’avenue de France de Bangui en exhibant leur trophée morbide. C’est au bord de cette avenue que se trouve l’Enam, l’école nationale de l’administration et de la magistrature. C’est ici qu’une heure plus tôt, mercredi matin, la présidente de transition de Centrafrique, Catherine Samba-Panza, s’exprimait devant plusieurs milliers de soldats de l’ancienne armée régulière, les ex-Faca. C’est ici enfin que cet inconnu a été assassiné, poignardé puis battu à mort à coups de pieds et de pierres par une foule totalement réjouie par son geste d’une violence inouïe.
Les anciens soldats se sont rués sur le jeune homme sur la pelouse de l'Enam arguant qu'il s'agissait d'un ex-rebelle de la Séléka, ces hommes qui ont conduit au pouvoir l'ancien président démissionnaire, Michel Djotodia, à l'origine du renversement de François Bozizé fin mars. «C'est un traître», entendait-on parmi les lyncheurs. Personne, en revanche, pour confirmer l'appartenance de la victime à l'ancienne rébellion. Son prénom arabisant était-il peut-être l'unique déclencheur de cette barbarie aveugle.
«Une minorité qui instrumentalise une majorité»
A Bangui, la folie haineuse trouve bien souvent ses origines dans des rumeurs. Le corps de l'inconnu a été dénudé, traîné sur l'avenue pour y être en partie découpé, puis brûlé. Les soldats de la Misca, la force africaine, présents au moment du lynchage, n'ont à aucun momen