Elle se souvient du 20 décembre comme d'un choc. «On savait que ce réac de Gallardón voulait nous changer la loi. Mais un truc pareil, d'un tel calibre, j'en croyais pas mes oreilles !» Ce jour-là, le ministre espagnol de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardón, sourcils broussailleux chevauchant de grandes lunettes ovales, éclaircit sa voix tout en obscurcissant le ciel de millions d'Espagnoles pour qui l'IVG était désormais chose acquise (en 2010, sous le gouvernement du socialiste Zapatero) : c'en est fini du droit à avorter, l'interruption de grossesse redevient un délit, même en cas de malformation du fœtus.
Des milliers de gynécologues désarçonnés s’enhardissent dans une lettre brûlot. Une grande partie de l’échiquier politique s’enflamme contre une réforme qui ferait replonger le pays dans les ténèbres du franquisme. Les féministes dénoncent un retour à l’ordre moral et au diktat clérical. Rien n’y fait : droit dans ses bottes, le très catholique et ultraconservateur Ruiz-Gallardón maintient qu’il ne renoncera pas à un texte qui protégerait le droit des non-nés et redonnerait aux femmes… leur dignité.
Catholique, Mar Grandal l'est aussi. Mais d'un autre genre, d'une autre espèce. La malformation fœtale, par exemple : «Que Dieu ne te donne point ce que tu ne peux porter. Ou alors, si ce devait être le cas, il faudrait se résigner à un Dieu sadique qui jouerait aux échecs avec nous, les humains.» Le non-né ? «Gallardón en parle comme d'une personne. Ce qu