Etienne Piguet, professeur à l’Institut de Neuchâtel et vice-président de la Commission fédérale pour les questions de migration, une instance indépendante qui conseille le gouvernement, est l’un des spécialistes des questions migratoires en Suisse. Auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet -
l’Immigration en Suisse, soixante ans d’entrouverture,
2009 –, il analyse
[ le vote de la population suisse ]
qui s’est exprimée dimanche à une courte majorité de 50,3%, pour une limitation de l’immigration.
Comment expliquer la victoire du oui à la votation de dimanche ?
C’est une addition de facteurs. Il y a une incontestable dimension xénophobe, qui est une vieille histoire de la politique suisse depuis l’apparition de tensions identitaires très fortes durant la Première Guerre mondiale. Dans l’entre-deux-guerres, la Suisse a voulu refonder une identité nationale contre l’extérieur, ce qui s’est traduit par un resserrement des politiques migratoires. Depuis, la xénophobie ressurgit par poussées.
Mais ce n'est pas la seule raison. Il y a aussi des craintes objectives par rapport au volume de l'immigration et à ses conséquences sur le marché de l'emploi, du logement, sur les transports publics… Une partie de la population a eu un sentiment de perte de contrôle, une réaction de peur vis-à-vis de l'idée qu'il n'y avait plus de limite en cas d'afflux massif d'immigrés, qu'on ne pouvait pas appuyer sur le frein. Il y a l'impression, pour une partie des Suisses, que la croissance économique s'inscrit dans une globalisation qui n'est plus maîtrisée, et cela inquiète. Une par