Va-t-en ! Fous le camp ! Avec toi, ça ne va pas. Sans toi, ça ne peut qu’aller mieux. Tu es le problème, le seul, l’unique. Il ne te reste plus qu’à boucler ta valise. Allez ouste, du balai…
Je suis la Suisse, la petite Suisse et je te fous dehors, étranger d'à côté, voisin ventru qui m'a engrossé de sa culture, de sa langue et de ses avoirs bancaires. Etranger qui, aujourd'hui, m'encombre, me submerge, monte dans mes trains, envahit mes villes, grimpe sur mes montagnes.
Je mets du chewing-gum dans les serrures pour que tu ne passes plus partout, pour que tu ne prennes plus la clé de mes champs. Je cotise pour ton pot de départ, salarié frontalier, seule cause de mes maux imaginés, unique raison de mes inconséquences, de mes incapacités.
Je n’ai plus besoin de toi. Je me sens mieux barricadée, à rétrécir dans mon identité menacée. Je suis composite, je l’ai toujours été, mais, d’hybridation, plus trop n’en faut.
Monsieur l’étranger, nous ferons tranquillement le constat de carence de notre alliance, car ici, sur les alpages, nous avons l’art du consensus. Je suis la bonhomie incarnée, la neutralité négociée. Ce n’est pas moi qui te dirais haut et fort : «Casse-toi, pauvre appauvri, casse-toi riche du temps d’avant». Mais sache bien que je n’en pense pas moins.
Je suis la Suisse, la petite Suisse, paisible et prospère. Je suis au centre des choses, au nombril de ce continent qui me nourrit et qui m’inquiète, que je parasite et dont je me méfie