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Interview

«En Australie, des enfants ont été arrachés à leurs proches»

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Alors que la France se penche sur le cas des enfants déplacés de la Réunion, l’anthropologue Martin Preaud revient sur le cas de l'Australie, où des milliers d'enfants aborigènes ont été enlevés à leur famille.
par Solveig Gerfaut
publié le 18 février 2014 à 16h44

L'exemple des migrations forcées d'enfants réunionnais vers la métropole, discutée ce mardi à l'Assemblée nationale, n'est pas unique dans l'histoire. Il rappelle ce qui s'est passé au XIXe siècle en Australie avec les enfants aborigènes arrachés de leurs familles pour être envoyés vivre chez des Blancs. Une différence sépare cependant les deux exemples : alors que la France, agissant d'abord d'après des considérations sociales, n'a jamais eu l'intention de faire disparaître l'identité réunionnaise, l'Etat australien a eu la volonté de mettre un terme à cette culture autochtone. Il a fallu plusieurs décennies avant que cette politique eugéniste ne prenne fin.

Martin Preaud est titulaire d’un doctorat de l’EHESS et d’un PhD en anthropologie sociale et ethnologique, spécialiste des lois et cultures aborigènes en Australie. Il poursuit ses recherches au Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France.

On parle de «générations volées» en Australie, à propos des enfants aborigènes arrachés à leurs familles pour être élevés parmi les Blancs. Quel était le fondement de cette politique ?

L’Australie est une colonie de peuplement, et selon les idées évolutionnistes raciales du milieu du XIXe siècle, les Aborigènes étaient voués à l’extinction. Et c’est quasiment ce qu’il s’est passé. La population métisse par contre est allée croissant. Des justifications humanistes ont été avancées pour l’assimilation de ces enfants à la population européenne. Mais le but restait l’extinction des populations autochtones par «absorption