«Je suis blessé. Plusieurs de mes amis sont partis à l'hôpital. Ils tirent à balles réelles. Je ne sais pas combien de morts il y a, mais c'est un carnage.» Encore sous le choc, visiblement désemparé, le manifestant refluait en hâte vers le village de l'Euromaidan, le campement des contestataires antigouvernementaux installé sur la place de l'Indépendance. Autour de lui, la rue Institutska, une des voies menant au Parlement, était en feu, résonnant du bruit des grenades assourdissantes, de cocktails Molotov et de tirs de pistolets et fusils venant de tous côtés. A 19 h 30, heure locale, les bilans officiels faisaient état de neuf morts, dont deux policiers, et des centaines de blessés. Ces violences sont survenues après plusieurs semaines d'accalmie dans la contestation, qui dure depuis près de trois mois, et alors que l'opposition avait promis une «offensive pacifique» pour mettre la pression sur les députés, rassemblant plus de 20 000 personnes pour un défilé qui a dégénéré.
La journée ensoleillée avait pourtant débuté avec l'espoir d'une solution politique. «Une loi d'amnistie est entrée en vigueur, chaque camp a fait des concessions», assurait Svitlana, une manifestante d'une quarantaine d'années qui se dirigeait, sur les coups de 10 heures, vers le Parlement. Comme des milliers d'autres, elle voulait s'assurer que les partis d'opposition puissent faire voter la réforme constitutionnelle qu'ils avaient promise, de même que pousser à la formation