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Interview

Charles Urjewicz: «L’Ukraine n’a jamais eu la possibilité de bâtir un Etat»

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L’historien Charles Urjewicz retrace l’itinéraire d’une nation perpétuellement écartelée au cours des siècles entre ses voisins russe et polonais.
Sur l'une des barricades de la place de l'Indépendance, lundi. (Photo Yannis Behrakis. Reuters)
publié le 21 février 2014 à 21h36
(mis à jour le 24 février 2014 à 17h12)

Charles Urjewicz, historien du monde post-soviétique, professeur à l’Institut national des langues orientales (Inalco), explique le poids de l’histoire dans une Ukraine située aux confins de l’Europe et de la Russie.

Depuis son indépendance en 1991, lors de l’éclatement de l’URSS, l’Ukraine a vu les crises s’enchaîner. De quel poids l’histoire pèse-t-elle ?

Il faut remonter l’histoire de l’Ukraine sur plusieurs siècles. A partir du moment où ce territoire a tenté, mais sans y parvenir, de constituer un Etat, il s’est trouvé confronté à ses deux puissants voisins. L’un, la Pologne, pour un temps relativement court, et l’autre, la Russie, sur le très long cours, malheureusement pour l’Ukraine.

Dès le XVIe siècle, l'Ukraine s'est trouvée face à l'Etat polonais, alors puissant, qui représente avec le catholicisme une forme de modernité dans cette partie de l'Europe. Au XVIIe siècle, la Russie qui commence à sortir de ses difficultés et à étendre son influence, va grignoter des parties de son territoire. Avec l'effondrement, puis le partage de la Pologne [entre les empires voisins, ndlr], le rêve d'une Ukraine indépendante disparaît pour plusieurs siècles : l'Ukraine se retrouve coupée en deux, la plus grande partie se retrouve dans l'empire tsariste, l'autre dans l'empire d'Autriche, qui deviendra l'Autriche-Hongrie en 1867.

Jusqu’ici il n’y avait pas eu d’Etat ukrainien ?

Un Etat ukrainien n’a existé, brièvement (entre 1918 et 1920), qu’à la suite de la révolution russe. Un Etat extrêmement fragile et chaotique d’où l’Ukraine est sortie éclatée en quatre parties (entre les bolcheviks, les Polonais, les Roumains et les Tchécoslovaques). On