Partir ou mourir. Prendre la route, cette longue route qui serpente jusqu’à l’extrême nord de la Centrafrique, jusqu’au Tchad, à 700 kilomètres de là. Ou tout du moins s’approcher au plus près de la frontière. Sur le chemin, surtout ne pas tomber en panne, prier pour que le camion surchargé ne se renverse pas, veiller à ce que l’escorte composée de soldats africains de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) ne s’éloigne pas trop.
Chaque semaine, depuis décembre, des dizaines de milliers de musulmans - centrafricains ou étrangers - empruntent cette voie, cette roulette russe routière. A Bangui, ils savent qu’ils seront tués si les miliciens chrétiens anti-balaka ou leurs jeunes sympathisants les attrapent. Samedi soir encore, un taxi conduit par un chauffeur chrétien qui transportait trois musulmans s’est sciemment arrêté sur la route qui mène à l’aéroport. Un guet-apens : le chauffeur est parti avec les clés et des jeunes se sont rués sur le véhicule pour exécuter à la kalachnikov les trois passagers.
Sur la route de l’exode, la première étape consiste à s’extraire de la capitale. Ce qui implique de survivre au quartier du PK12, goulot d’étranglement grouillant de combattants à la grenade facile. Les militaires français sont présents. La semaine dernière, un convoi a été visé. Demi-tour. Nouvelle tentative dès le lendemain. Départ de Bangui «la coquette», puis Damara «la séduisante», Sibut, Dekoa et, enfin, Kaga-Bandoro «la giboyeuse» : 350 kilomètres e