Menu
Libération
Interview

«Pour les Russes, la Crimée fait partie du patrimoine national»

Article réservé aux abonnés
Un marin sous le drapeau de la flotte russe à Sébastopol, en 2008. (Photo Denis Sinyakov. Reuters)
publié le 5 mars 2014 à 19h32

Emmanuelle Armandon, spécialiste de l'Ukraine et de la Crimée à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et auteure de la Crimée entre Russie et Ukraine : un conflit qui n'a pas eu lieu (1), revient sur l'histoire de cette péninsule, au cœur d'un bras de fer entre Kiev et Moscou.

De quand date la présence russe en Crimée ?

En Crimée, les Russes doivent leur présence à l'immigration. La Crimée est un territoire historiquement tatar, un peuple turco-mongol, musulman. Au XVe siècle, le Khanat de Crimée passe sous le protectorat de l'Empire ottoman. La première percée russe est tentée par Pierre le Grand, qui cherche un débouché sur la mer Noire. C'est un échec. L'annexion de la Crimée à la Russie aura lieu en 1783, sous Catherine II, au terme de deux guerres russo-ottomanes [1736-1739 et 1768-1774].

La population tatare de Crimée diminue alors considérablement, du fait des pertes de guerre et des vagues de départ vers l'Empire ottoman. A partir de là, l'Empire russe mène tout au long du XIXe siècle une politique de repopulation. S'installent en Crimée à la fois des paysans, des nobles et des militaires. La côte Sud se transforme peu à peu en lieu de villégiature pour la noblesse russe.

La Bataille de Tchesmé (entre les flottes ottomane et russe, 1770), d’Ivan Aivazovsky, 1848. (Aivazovsky Museum - Wikimedia Commons)
Et puis, c’est la guerre de Crimée.

Ce conflit qui oppose entre 1854 et 1856 l’Empire russe à une coalition rassemblant l’Empire ottoman, le Royaume-Uni et la France de Napoléon III, et a culminé avec le siège de Sébastopol, se solde par une défaite russe. La guerre de Crimée provoque une nouvelle vague de dépa