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Libération
Interview

«On affame des gens, ce n’est quand même pas fréquent»

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Rony Brauman, ancien président de MSF, souligne les errements de l’aide internationale :
publié le 14 mars 2014 à 21h26

Ancien président de Médecins sans frontières (MSF), Rony Brauman est professeur associé à Sciences-Po.

Bombardements massifs, emploi d’armes chimiques, tortures, viols, populations assiégées et affamées… Le conflit syrien atteint-il un niveau d’atrocité inédit ces trente dernières années ?

Je partage cet effarement face au suicide de la nation syrienne, face à l’intransigeance terrifiante du régime d’un côté et à la montée des radicalismes de l’autre. L’échec singulier de la communauté internationale peut donner l’impression que ce conflit est sans précédent.

Mais ce n’est pas le cas. Il n’y a pas si longtemps, la guerre du Darfour et plus encore celle du Sud Soudan, qui a débouché sur son indépendance, ont été d’une cruauté extrême. Il y a eu des bombardements massifs, des déplacements forcés de populations, des famines organisées. Le tout, d’ailleurs, alors que l’aide humanitaire était déployée de manière assez importante. Cela a abouti à un résultat que seule une minorité d’acteurs souhaitait : la partition du pays. Nous sommes probablement face au même processus de fragmentation en Syrie. La montée en force des radicaux, l’accentuation de la violence semble aboutir à une partition entre différentes zones, sunnite, alaouite et kurde.

Pourquoi l’aide humanitaire ne parvient-elle quasiment pas en Syrie ?

Il y a de réelles entraves politiques et matérielles pour travailler. Damas n'a ouvert son territoire, sous contrôle étroit, qu'au CICR, à des agences de l'ONU et à quelques ONG. Au côté des rebelles, il n'y a pratiquement plus aucune organisation, car ils ne sont pas à même d'assurer la sécurité et les ONG ne peuvent pas s'exposer à ce niveau de risque. La crise est pourtant énorme, des millions de personnes sont affectées et me